Près de 150 travaux de Cohliens de 4e et 5e années sont élaborés avec des créations originales de jeunes compositeurs issus des meilleures écoles de musique à l’image qui, par chance… sont à Lyon ! Au total, plus de 200 étudiants bénéficient de cette interdisciplinarité. Reportage.
Novembre 2017. Invités au cinéma Le Zola (Villeurbanne) pour des rencontres sur la musique de film dans le cinéma d’animation, les responsables pédagogiques d’une poignée d’écoles d’art en ressortent emballés. Ils se disent qu’il y a décidément à Lyon un excellent réseau de compositeurs de musique à l’image et ils conviennent de se revoir tous, avec leurs étudiants. C’est Aymeric Hays-Narbonne, le directeur adjoint de l’école, qui invite.
Le surlendemain, une centaine de personnes déboulent dans l’allée centrale, où les Cohliens de 4e et 5e années voient arriver de jeunes compositeurs et sound designers, comme eux en fin d’études. Ils viennent des meilleurs établissements, qui diplôment chaque année des artistes crédités dans les grandes productions de spectacles, de films et de jeux vidéos : master de Musiques appliquées aux arts visuels (Maaav) de l’Université Lyon 2, Ecole nationale de musique de Villeurbanne et Conservatoire national supérieur de musique et de danse (CNSMD) de Lyon. Tous partenaires de l’école, mais jamais réunis simultanément.
Jus d’orange
Pour cette première, il ne s’agit que de faire connaissance autour d’un jus d’orange. Deux sessions de présentation viendront ensuite, courant décembre. Les Cohliens ayant près de 150 projets nécessitant des bandes-son originales, les étudiants devront se succéder en salle de conférence pour présenter leurs storyboards et demo reels.
Quatre mois plus tard, tous les attelages ont été constitués, chaque Cohlien ayant au moins un partenaire d’une autre école. Parfois deux, comme Eva Lacanal (5e année) qui travaille son projet de court-métrage avec un sound designer de l’ENM et un compositeur du CNSMD. « C’est le jeu des rencontres qui fait cela », explique Eva. « Selon les cas, certains préfèrent tout gérer, d’autres se partager la musique, le bruitage et le son ». Elle fait des points réguliers avec eux, les accueille à l’école ou les rencontre dans leurs studios respectifs. « Traverser les salles de concert du CNSMD pour aller voir mon compositeur a été un moment spécial », se souvient Eva.
« Cette initiative de réunir toutes les écoles est très intéressante », juge Gilles Alonzo, responsable du département de musique à l’image au CNSMD de Lyon (formation en cinq ans). « Au-delà de l’appel à projets, elle a favorisé les rencontres comme dans un festival, où les gens se retrouvent pour savoir avec qui ils voudront travailler. Le facteur humain est déterminant : en amont d’un film, les rapprochements qui fonctionnent le mieux se font sur des valeurs qui ne sont jamais uniquement artistiques ».
« On ne force rien »
Son département est le troisième à avoir jeté des ponts avec l’école, en 2017. Les précédentes conventions ont été passées dix ans auparavant avec l’Université Lyon 2 et son master Maaav, puis avec l’ENM de Villeurbanne.
« Nos formations de musique à l’image sont uniques en France », soutient Jean-Marc Serre, responsable du diplôme de master Maaav. Selon lui, le foisonnement des réalisations de l’École Émile Cohl contribue à cette émulation : « C’est celle avec laquelle nous avons construit notre tout premier partenariat pédagogique, alors que nous avions besoin de travailler sur des images originales. Nous laissons nos étudiants mener librement leurs projets, on ne force rien. Ils peuvent intervenir sur la musique, le sound design ou toute la bande sonore ».
A l’ENM (diplôme en quatre ans), les étudiants du département de composition électro-acoustique s’occupent du bruitage et du sound design de plusieurs projets de fins d’études. Pour Bernard Fort, le responsable de ce département, la diversité des productions en cours est précieuse : « A mes yeux, l’École Émile Cohl est le fer de lance de la formation en réalisation de films d’animation en France », affirme-t-il. « C’est un privilège, pour nous, de travailler avec un cursus de cette exigence. Mais j’encourage mes étudiants à se familiariser aussi avec le jeu vidéo et le livre numérique. Ce sont des domaines qui peuvent les conduire à travailler ensuite pour des installations muséales et des supports didactiques, où je vois beaucoup de débouchés pour les spécialistes de l’image et du son ».
Interdisciplinarité
Ce souci d’interdisciplinarité existe aussi chez les Cohliens. Anthony Clerc, professeur de son (et diplômé de l’ENM), fonde toutes ses interventions sur la compréhension des cultures professionnelles connexes aux métiers du dessin. « La relation entre les arts est ce qui me passionne depuis toujours », explique ce sound designer. « Je transmets cela aux étudiants, pour qu’ils comprennent que leur grammaire n’est pas celle des musiciens, ni des compositeurs, qui ont leurs propres contraintes de réalisation. A partir d’exercices et de conseils, je leur apprends à assumer leur position de chef de projet dans un métier qu’ils ne connaissent pas encore. En cours, je m’adresse aux réalisateurs qu’ils vont devenir, pas aux dessinateurs. »
Anthony apprécie le resserrement des liens qu’il a vu cette année : « Dans mes cours, je reçois régulièrement la visite des compositeurs issus des trois écoles. Ils viennent voir comment nous travaillons. Notre proximité géographique est bénéfique à tous. C’est ce qui fait notre force ».



