« Au cinéma, le lighter est un peu le directeur de photographie de ses séquences »

Publié le 6 mars 2018

Mars 2018. Christophe Archinet, lighting artist chez Framestore, voit son équipe remporter coup sur coup le Bafta et l’Oscar des meilleurs effets spéciaux pour Blade Runner 2049, de Denis Villeneuve.

Deux distinctions motivantes pour les étudiants de 3e année 3D et de 4e année à qui il enseigne le matte painting et le lighting. Au fait, qu’est-ce qu’un lighting artist, ou lighter, au cinéma ? Un spécialiste de la 3D rompu aux fondamentaux du dessin, répond Christophe, lui-même ancien Cohlien. Interview.

Que représentent pour vous ces deux prix remportés avec Framestore ?

C’est tout d’abord un travail d’équipe, qui demandait une grande complémentarité pour parvenir à hisser des images 3D au plus haut niveau. A titre personnel, j’en tire une grande satisfaction. C’est une chance énorme d’avoir pu travailler sur un tel film et d’avoir la confiance du studio Framestore qui m’a rappelé pour cet énorme projet, après m’avoir engagé sur deux films produits par Warner Bros, King Arthur: Legend of the Sword (2017) et The Legend of Tarzan (2016). J’ai pu aussi accomplir un rêve de passionné de cinéma : le premier opus Blade Runner (1982), avec sa révolution visuelle, est certainement le film qui m’a donné envie de faire ce métier.

 

Vous avez été chargé de l’éclairage, du rendu et la qualité visuelle de 34 plans du film. Comment avez-vous procédé ? Vos contraintes étaient-elles seulement techniques, ou bien aussi créatives ?

Il faut commencer par analyser la scène de tournage, l’éclairage original, la colorimétrie, la température. Pour moi, la performance consiste à donner le sentiment au spectateur que les éléments réels et virtuels, apportés par l’image de synthèse, appartiennent au même monde. Les départements qui œuvrent pour cette fabrication sont très divers, ce qui représente beaucoup de techniciens et d’artistes. Je rassemble tout ce qui a été fabriqué en amont (modélisation, animation, textures, rigging…), puis je tente de rendre les images finales – il est très rare que cela fonctionne du premier coup !

C’est alors un travail purement technique de recherches de solutions. On fait des meetings et on parle des corrections à apporter. Ensuite, lorsque les éléments apparaissent au rendu, j’éclaire la scène pour lui donner son ambiance, son atmosphère. Je sculpte la lumière pour lui donner toute sa personnalité. C’est à ce stade qu’il faut faire intervenir son sens visuel et artistique.

 

Vous êtes devenu un spécialiste des effets spéciaux, tandis que votre formation initiale à l’école aurait pu vous ouvrir des horizons professionnels tout à fait différents. Quelles compétences faut-il à un lighting artist ? Quel message pédagogique portez-vous le plus souvent à vos étudiants ?

Lorsque j’étais étudiant à l’École Émile Cohl, je m’intéressais plutôt à la réalisation et à la fabrication des films, en général. La 3D est arrivée un peu plus tard, avec de l’auto-formation en studio, quand je participais à la fabrication de documentaires et de films publicitaires. Mais la spécialité de « lighter » est une seconde nature, chez moi. A partir du moment où vous savez utiliser un logiciel 3D et que vous êtes passionné de photographie, vous y venez spontanément. Le lighter cherche à comprendre la lumière dans la vraie vie. En faisant de l’éclairage de scènes 3D, vous êtes un peu le directeur de photographie de vos séquences.

De cette observation me vient le conseil que j’adresse aux étudiants. Je leur dis : quel que soit le rôle lié à l’image que vous viserez dans cette industrie, vous devez savoir dessiner. Savoir jouer aux jeux vidéo ne suffit pas. C’est toute l’étendue de vos connaissances qu’il faut appliquer : le cadrage, la composition, la perspective, le sens de l’esthétique et de la couleur, la compréhension de la lumière pour la mise en valeur d’un sujet… La liste est longue, mais passionnante !

 

Exemple d’exercice donné par Christophe Archinet aux étudiants de 4e année, option Édition :