Un vent de création souffle à Annecy 2023

Un vent de création souffle à Annecy 2023

Publié le 7 juin 2023

Pas moins de neuf productions (hors projections en plein air) programmées par le festival d’Annecy ont fait intervenir nos anciens étudiants, dans tous les métiers clés de l’animation. Les Cohliens de la spécialisation animation sont eux aussi attendus, avec un film de fin d’études en sélection officielle et deux rendez-vous au MIFA. Voici les films à retenir.

Avertissement : l’article ci-dessous a été publié peu avant le 8 juin 2023. La concomitance de ce texte avec l’acte criminel qui a partout suscité l’effroi nous oblige à rappeler ce contexte. L’école se joint au mouvement d’hommage aux victimes et exprime son soutien aux organisateurs du festival d’Annecy.

 

Le festival international d’Annecy va certainement battre tous ses records atteints lors de l’édition 2022. Le plus grand événement mondial consacré à l’animation promet d’être très riche, comme pour mieux faire oublier le traumatisme des années de pandémie qui l’avaient contraint à des programmations numériques. L’organisateur, CITIA, a révisé ses ambitions à la hausse : du 11 au 17 juin 2023, il propose une journée de programmation supplémentaire et il a étendu la surface d’exposition du MIFA. Il espère dépasser les 115.000 entrées et 13.000 accréditations de la dernière édition, qui avait vu 106 pays représentés et 3.000 sociétés participantes.

Cette effervescence profitera aux studios français : sept des onze longs métrages en compétition officielle (parmi une centaine de films soumis) ont été produits ou coproduits en France. On pense bien sûr au film de Benoît Chieux (promotion 1990), Sirocco et le Royaume des courants d’air, premier long métrage qu’il a réalisé seul et dont il est aussi le directeur artistique et le co-scénariste. Sirocco, c’est l’histoire de deux sœurs âgées de 4 et 8 ans qui se trouvent projetées dans l’univers de leur livre favori. Transformées en chats, elles devront aller à la rencontre d’un inquiétant protagoniste pour les aider à revenir vers le monde réel. Annoncé comme l’un des films les plus attendus, il fera même – privilège rare – l’ouverture du festival.

 

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« Sirocco et le Royaume des courants d’air ».  Crédits : Sacrebleu Productions.

 

Artiste complet, déjà deux fois sélectionné aux César du meilleur court-métrage en 2016 (Tigres à la queue leu leu) et 2018 (Le Jardin de minuit), Benoît Chieux a longtemps été associé aux réussites de Jacques-Rémy Girerd, dont il a été le co-réalisateur de Tante Hilda! (2014), le directeur artistique de Mia et le Migou (2008) et le créateur graphique et co-scénariste de L’enfant au grelot (Cartoon d’or 1998). Pour son nouveau film, il s’est entourné du scénariste Alain Gagnol et de la directrice d’animation Suzanne Seidel (voir ci-dessous).

En conférence de presse à Paris, le 27 avril, le délégué artistique du festival, Marcel Jean, a eu pour Benoît Chieux des propos élogieux : « Sirocco est un film qu’on a à l’œil depuis très longtemps », a-t-il affimé. « Dès la production de la première bande annonce, il y a quelques années, j’avais pris le temps d’écrire à Benoît et au producteur, Ron Dyens, pour leur dire que je trouvais leur projet appétissant. Depuis, on a constamment surveillé sa progression et c’est avec un immense plaisir que ce film sera présenté en ouverture et en compétition officielle. » Il sera précédé d’un court-métrage de Disney, animé par Eric Goldberg, pour célébrer le centième anniversaire des studios américains.

Pour Marcel Jean, le dernier film de Benoît, que plusieurs médias ont rattaché à l’esthétique de Hayao Miyazaki, marque un tournant : « Nous arrivons à un moment de l’histoire de l’animation où des créateurs occidentaux intègrent le meilleur de l’anime japonais. On sait à quel point Paul Grimault, avec Le Roi et l’Oiseau, a compté pour des réalisateurs comme Isao Takahata, et combien la culture occidentale a pu nourrir l’anime japonais et la culture asiatique. On a ici un juste retour des choses, avec de véritables films d’auteurs venus de France qui intègrent finement des éléments provenant de l’animation japonaise. »

 

Léo (The inventor)
« Léo (The inventor) ». Crédits : Foliascope.

 

Autre favori de la compétition officielle, Léo (The Inventor), de Jim Capobianco et Pierre-Luc Granjon, récit des dernières années de la vie de Léonard de Vinci, a mobilisé plusieurs anciens élèves sur ce film en stop motion. Citons Annette Marnat (promotion 2004) et Samuel Ribeyron (promotion 2000), au graphisme, Clément Céard (promotion 2009) parmi l’équipe d’animateurs, et Marie Clerc (promotion 2019) dans celle des armaturistes. « Nous devions fabriquer les structures et les squelettes d’un très grand nombre de personnages », raconte-t-elle. Marie Clerc s’est spécialisée dans la fabrication de marionnettes de films dès sa sortie de l’école, après avoir été distinguée dans un festival majeur du stop motion pour son film de fin d’études (Une de perdue), en obtenant le prix du meilleur film de la relève au festival de Montréal 2020.

Depuis, Marie a enchaîné les beaux projets. Car avant Léo, il y a eu aussi Interdit aux chiens et aux Italiens, d’Alain Ughetto – prix du jury pour un long métrage au festival d’Annecy 2022. Sur ce film, elle a été responsable de l’hôpital des marionnettes, soit l’ensemble des tâches de maintenance et de réparation des personnages en silicone, mais aussi les retouches de leur habillage et leur installation sur le plateau. Elle est aussi intervenue en renfort sur le prochain film de Claude Barras (promotion 1996), Sauvages !, dont la sortie est guettée pour l’automne 2024.

 

Le-Royaume-de-Kensuke
« Le Royaume de Kensuke ». Crédits : Lupus Films.

 

Autre film en lice : Le Royaume de Kensuke, de Neil Boyle et Kirk Henry, est une adaptation du roman jeunesse à succès de Michael Morpurgo. Ludivine Berthouloux (promotion 2011) a contribué pendant près de deux ans à ce long métrage 2D, au studio britannique Lupus Films : « J’ai été storyboardeuse et aussi, surtout, animatrice de personnages en 2D. J’étais d’ailleurs responsable de l’animation des animaux ». Et ceux-ci tiennent un rôle important, dans cette île du Pacifique où un jeune naufragé va vivre les aventures d’un Robinson Crusoé. « Il était prévu que je ne travaille que sur l’animation », se souvient Ludivine. « Mais Neil Boyle m’a finalement proposé de faire  »un peu » de storyboard lors de la préproduction. J’avais alors très peu d’expérience dans ce domaine, mais je pense que mes compétences en animation ont beaucoup aidé, et j’ai finalement réalisé une bonne partie du storyboard. »

 

Nina et le secret du hérisson
« Nina et le secret du hérisson ». Crédits : Parmi les lucioles Films.

 

Dans les séances événement d’Annecy 2023, on découvrira aussi avec intérêt Nina et le secret du Hérisson d’Alain Gagnol (promotion 1988) et Jean-Loup Felicioli. « Ce sont deux amis de longue date du festival », a souligné Marcel Jean, « leurs films ont été présentés ici à plusieurs reprises ». L’histoire commence mal pour Nina, une fillette de 10 ans dont le père vient de perdre son emploi. L’usine où il travaillait a fermé. Quand il se murmure qu’un trésor y serait dissimulé, elle va partir à sa recherche avec son copain Mehdi. Ils seront aidés par un petit hérisson sorti d’une des histoires que le père de Nina lui racontait le soir.

Dans la compétition officielle des courts-métrages, on retrouve Clémence Bouchereau (promotion 2012) avec La Saison pourpre (voir le trailer), film d’animation directe dans lequel la jeune réalisatrice met en scène une microsociété de petites amazones qui vivent nues au bord d’une mangrove. A l’École Émile Cohl, ses professeurs se souviennent des conditions particulières qu’elles avait mises en œuvre pour fabriquer son film de fin d’études en sable animé, Aux gambettes gourmandes (voir le film), sélectionné dans plusieurs festivals. Elle avait ensuite poursuivi ses études à l’école de la Poudrière, à Valence.

Dans la sélection des « WIP », Work in progress, le festival montrera la série en cours de production Captain Laserhawk : A Blood Dragon Remix produite par Ubisoft Film pour Netflix. Cette série a fait travailler l’animatrice Lison Sabiols (promotion 2015) au layout posing. Autre ancien élève devenu animateur 2D, Mathieu Monluc (promotion 2018 de Dessinateur Praticien), a supervisé le clean et la mise en couleur du film Robot Dreams, long métrage franco-espagnol de Pablo Berger. Ce film a été retenu, quant à lui, dans la sélection Contrechamp qui représente l’animation expérimentale indépendante.

 

Edmond et Lucy
Edmond et Lucy : « L’Adieu à Perlimpinpin ». Crédits : Miam! Productions.

 

On trouve encore un « nid » de Cohliens dans une très belle série jeunesse sélectionnée pour la compétition Films de télévision : il s’agit d’ Edmond et Lucy « L’Adieu à Perlimpinpin » (Miam! Productions), série de 52 épisodes adaptés de l’œuvre d’Astrid Desbordes et Marc Boutavant par François Narboux. Diffusées sur France 5 (voir la série), les aventures d’Edmond l’écureuil et Lucy l’oursonne  ont été traduites en 30 langues. Particularité de cette série d’animation 3D : elle a été produite avec Unity, un moteur de temps réel habituellement utilisé par les studios de jeu vidéo, permettant de réduire les temps de production et d’alléger l’impact écologique des équipements numériques.

Au studio Artefacts qui avait été chargé des décors, objets, moteur et rendu, plusieurs de nos professeurs et/ou alumni sont intervenus aux côtés d’artistes 3D issus de la spécialisation jeu vidéo. Essayons de ne pas en oublier : Jean-Marie Godeau (promotion 1994), directeur artistique, Eric Andral (promotion 2007), DA adjoint, Charles Mousquet (promotion 2021), lead artist, le trio de choc Adrien Jeannerod, Delphin Casado et Clément Ribeyre-Soret (promotion 2019, ils avaient produit en 4e année un jeu vidéo primé aux Ping Awards), Michaël Assing (promotion 2019) et Estelle Regad (promotion 202), artistes 3D.

 

Entre deux sœurs
« Entre deux sœurs ». Crédits : Folimage.

 

Enfin, dans la compétition des courts-métrages pour jeune public, Clément Céard (promotion 2006) et Anne-Sophie Gousset (promotion 2009) défendront leur tout premier projet ensemble, Entre deux sœurs. Ce film aux allures d’album jeunesse est un récit construit sur des souvenirs d’enfance. Produit par Folimage, il a déjà reçu plus de 40 nominations et remporté deux prix : à Paris, celui du jury jeune public du PIAFF (Paris International Film festival), et au Québec, celui de la meilleure réalisation de court-métrage du FCEQ (Festival de cinéma en famille de Québec). Au générique figurent aussi deux animateurs proches de l’école, Tom Viguier (promotion 2009) et Suzanne Seidel, professeure d’animation et de suivi de projets, présente aussi pour Sirocco.

Cette année, l’école se félicite de voir le projet de diplôme d’Audrey Delepoulle (promotion 2022) concourir pour le prix du meilleur film de fin d’études : La Nuit Blanche (voir son projet) est une fiction sur fond de dérèglement climatique. Dans une campagne menacée par un épisode de gel destructeur, un groupe d’arboriculteurs passe une nuit éprouvante pour essayer de protéger leurs vergers.

 

La Nuit blanche - Audrey Delepoulle
« La Nuit blanche ». Crédits : Audrey Delepoulle / École Émile Cohl

 

Terminons cette chronique avec les Cohliens de la spécialisation de cinéma d’animation. Mercredi 14 juin à 16h30, nos étudiants de 4e année présenteront une série de films produits sous la bannière Paris-Lyon Singapour. Il s’agira de la 5e édition d’un partenariat noué entre l’École Émile Cohl et l’Atelier de Sèvres (Paris), CITIA et l’ambassade de France à Singapour, auquel est aussi associé Lasalle College of the Arts. Le projet « Paris Lyon Singapour » a été imaginé pour favoriser les échanges culturels et pédagogiques à un niveau international. Chaque année, les écoles d’animation lancent leurs étudiants sur un thème commun. Par équipes, les Cohliens ont phosphoré cette saison sur le « geste et le sport » dans les cours de Ralph Lemaistre, professeur de matte painting et d’animation 2D, et de Jean-Philippe Maras, professeur de compositing et post-production. Résultat : des très courts métrages de 30 secondes, qui seront projetés au MIFA avec tous ceux des écoles partenaires. Les films seront diffusés ensuite sur la chaîne Youtube du projet, après le festival.

Autre temps fort : leur participation aux Espoirs de l’animation, compétition réservée à quelques écoles d’animation à l’invitation des chaînes Gulli, Tiji et Canal J. Accompagnés par Marc Dutriez, directeur créatif, nos étudiants ont eu un mois pour réaliser une série de films d’une minute, par équipe, chacun adapté à la ligne éditoriale des chaînes afin de pouvoir les diffuser : ouverture au monde pour les 3-6 ans, sur Tiji, aventure pour les 7-12 ans, sur Canal J, et comédie pour les 6-10 ans, sur Gulli. Le thème imposé cette année fait justement écho au dynamisme du festival : « Le changement ? Même pas peur ! »